Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/106

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par une disposition singulière d’esprit, nous a préoccupé toute la journée et a fait dévier l’article que nous avions l’intention de faire. Nous avions promis de raconter le voyage de Belkis, la reine de Saba que Gérard était allé chercher au fond de l’Orient en compagnie de la Huppe, pour l’amener soi disant à Salomon, l’érotique auteur du Sir-Hasirimi, mais réellement pour Meyer-Beer, de Berlin, l’auteur de Robert le Diable, qui voulait en faire un rôle de soprano à faire tourner la tête à toutes les prime donne. Mais il n’y a pas eu moyen. La lettre de Bouchardy exigeait à toute force l’insertion, comme un appel de l’âme des compagnons morts. Ce mot Remember au bas de la lettre était placé d’une façon impérative et mystérieuse. Souviens-toi ! oui, nous nous souvenons ! Ce travail en est la preuve. Belkis attendra ; quelques semaines ne vieilliront pas celle dont la jeunesse se compte par milliers d’années. Il faut écouter d’abord ceux qui parlent et circulent sous terre comme les taupes et le père d’Hamlet.

Cependant nous avions à vous dire de bien curieux détails sur les soixante-quinze rois préadamites qui figuraient dans le prologue et que Meyer-Beer, aussi timide alors que plus tard, avait envie de couper comme dangereux ; sur la dive Lilith, première femme d’Adam, aïeule de la reine de Saba ; sur la robe de Belkis, une robe à rendre Worth rêveur, ornée de soixante-dix espèces de pierreries et dont la queue était portée par un singe habillé de toile d’or, qui la retroussait de temps en