Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/145

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tence, souvenirs abolis, hiéroglyphes indéchiffrables désormais. Certes, c’est là un spectacle navrant, plein d’idées lugubres et de réflexions amères ! Mais ce qu’il y a encore de plus morne et de plus pénible à voir, c’est la vente du mobilier d’un homme vivant, surtout quand cet homme se nomme Victor Hugo, c’est-à-dire le plus grand poëte de la France, maintenant en exil comme Dante, et qui apprend par expérience combien il est douloureusement vrai le vers du vieux gibelin :


Il est dur de monter par l’escalier d’autrui.


Nous avons sous les yeux, au moment où nous écrivons ces lignes, une mince brochure bleue dont voici le titre :

« Catalogue sommaire d’un bon mobilier, d’objets d’art et de curiosité, meubles anciens en bois de chêne sculpté, bois doré et laque du Japon, pendules en marqueterie de Boule, bronzes, porcelaines de Saxe, de Chine, du Japon, faïences anciennes, verreries de Venise, terres cuites, bustes en marbre, médaillons en bronze, tableaux, dessins, livres, Voyage en Égypte, armes anciennes, rideaux, tentures, tapis et tapisseries, couchers, porcelaines, batterie de cuisine, etc., dont la vente aux enchères publiques aura lieu pour cause du départ de M. Victor Hugo, rue de la Tour-d’Auvergne, n° 37, par le ministère de Me  Ridel, commissaire-priseur, rue Saint-Honoré, 335, assisté de M. Manheim, marchand de