Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/245

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de hardiesse et de fierté, d’une couleur superbe, d’un maniement de brosse très-habile qui cherchait Rubens et Titien, et dont l’aspect éblouissait les yeux habitués aux pâleurs de l’école classique. Il avait fait aussi deux grandes lithographies, sans doute difficiles à trouver maintenant, l’une qui représente le Massacre de la Saint-Barthélemi, et l’autre la Ronde du sabbat d’après la célèbre ballade. La scène d’histoire n’était pas moins bizarre et fantastique que la scène légendaire, mais dans l’une et l’autre il y avait cette transformation de la réalité en chimère et cette entente des terreurs nocturnes qu’on ne rencontre que dans les Caprices de Goya. La Mort de Bailly, gigantesque tableau, de composition singulière et d’exécution farouche, dont le sujet moderne prêtait moins au talent moyen âge de Boulanger, suscita des critiques assez violentes. L’on cria à la laideur, à la monstruosité, et nous eûmes beau répondre comme les sorcières de Macbeth : « L’horrible est beau, le beau horrible, » le tableau n’eut pas le succès de Mazeppa. Il est vrai que l’artiste avait donné d’assez atroces têtes aux bourreaux de Bailly. Devéria, Boulanger, Delacroix, étaient encore des noms d’égale valeur. Mais seul Delacroix poursuivit sa route jusqu’au bout. Eugène Devéria s’arrêta après la Naissance de Henri IV, son début et son chef-d’œuvre, et Boulanger, plus tard, se prit à douter de lui-même et revint sur ses pas comme pour chercher une autre voie.

Louis Boulanger avait un défaut bien rare, l’admi-