Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/280

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pas dit encore, Hector Berlioz fut un vrai romantique, et comme tel engagé dans la grande bataille où il lutta avec un acharnement incroyable.

Il avait déjà fait une messe à quatre voix avec chœurs et orchestre, une ouverturede Wawerley, et la Symphonie fantastique, espèce d’autobiographie musicale où l’artiste fait raconter aux voix et aux murmures de l’orchestre ses rêves, ses amours, ses tristesses, ses désespoirs, ses cauchemars et ses folles terreurs nerveuses.

Très-admirée et très-applaudie par les adeptes du romantisme, la Symphonie fantastique produisit alors un effet analogue à celui des premiers morceaux de Richard Wagner exécutés en France : la représentation du Tannhäuser à l’Opéra donne parfaitement l’idée de ce genre de succès réservé chez nous à toute œuvre nouvelle. Ce furent des discussions violentes de part et d’autre, où l’urbanité ne fut pas toujours observée strictement ; car en art on se passionne encore plus qu’en politique. Quoique Berlioz fût regardé généralement comme fou, cependant il inspirait cette terreur que répand autour de lui tout être qu’on sait investi d’une puissance secrète. À travers ses bizarreries, ses obscurités, ses exagérations, on devinait une éneigie que rien ne ferait ployer ; il avait dès lors cette assiette inébranlable d’une force primitive et ressemblait à ce personnage panthéiste du second Faust, que Gœthe appelle « Oréas, roc de nature. »

C’est une idée assez répandue parmi le public