Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sinon « que les pruniers sur la route d’Iéna à Weimar portent des prunes excellentes contre la soif » ; ce qui avait fait sourire doucement le Jupiter-Mansuetus de la poésie allemande, plus flatté peut-être de cette ânerie éperdue que d’un éloge ingénieusement et froidement tourné. Notre éloquence ne dépassa pas le mutisme, quoique, nous aussi, nous eussions rêvé pendant de longues soirées aux apostrophes lyriques par lesquelles nous aborderions Hugo pour la première fois.

Un peu remis, nous pûmes bientôt prendre part à la conversation engagée entre Hugo, Gérard et Pétrus. On peut regarder les dieux, les rois, les jolies femmes, les grands poètes un peu plus fixement que les autres personnages, sans qu’ils s’en fâchent, et nous examinions Hugo avec une intensité admirative dont il ne paraissait pas gêné. Il y reconnaissait l’œil du peintre prenant des notes pour écrire à jamais, un aspect, une physionomie, à un moment qu’on ne veut pas oublier.

Dans l’armée Romantique comme dans l’armée d’Italie, tout le monde était jeune.

Les soldats pour la plupart n’avaient pas atteint leur majorité, et le plus vieux de la bande était le général en chef, âgé de vingt-huit ans. C’était l’âge de Bonaparte et de Victor Hugo à cette date.

Nous avons dit quelque part : « Il est rare qu’un poète, qu’un artiste, soit connu sous son premier et charmant aspect ; la réputation ne lui vient que plus tard lorsque déjà les fatigues de la vie, la lutte et les