Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/294

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comme elle semblait à son aise dans cette grande passion et dans ce grand style ! comme elle planait d’une aile facile, soutenue par le souffle puissant du jeune maître ! Nous la voyons encore avec ces longues touffes de cheveux blonds mêlés de perles, sa robe de satin blanc, et se faisant défaire par dame Rose.

Le dernier rôle où nous l’ayons vue, c’est Marie-Jeanne, une autre Marie, car ce nom qui était le sien lui sied à merveille. Ce n’était plus la brillante courtisane attendrie et purifiée par l’amour, c’était la pauvre femme du peuple, la mère de douleurs du faubourg, ayant dans le cœur les sept pointes d’épée, comme la Marie au Golgotha.

Ce n’était plus la haute poésie dramatique, mais c’était du moins la vérité simple et touchante qu’il fallait à son talent naturel, qu’elle avait un peu compromis dans des tentatives tragiques, dans la Lucrèce de Ponsard, par exemple ; car elle aussi, la pauvre femme, ignorante dans toutes ces discussions, et qui ne savait que son cœur, avait eu un ipstant de doute et de faiblesse. Elle s’était laissée aller à l’école du bon sens et avait voulu débiter des songes comme une tragédienne du Théâtre-Français. Heureusement, elle n’a fait qu’un pas dans cette voie fatale. Elle avait reconnu à temps qu’il ne faut pas sortir de son sillon, et que les idées et les passions de la jeunesse doivent se continuer dans la maturité du talent, non pas châtiées et refroidies, mais éperonnées et poussées avec plus