Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/322

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marquer par une plénitude et une sonorité singulières. On ne saurait trop louer l’habileté exquise avec laquelle l’auteur manie ces rhythmes dont Ronsard, Remy Belleau, A. Baïf, Du Bellay, Jean Daurat et les poètes de la pléiade liraient un si excellent parti. Comme les odelettes de l’illustre Vendômois, ces petites pièces roulent sur des sujets amoureux, galants, ou de philosophie anacréontique.

Nous n’avons encore montré qu’une face du talent de Banville, la face sérieuse. Sa muse a deux masques, l’un grave et l’autre rieur. Ce lyrique est aussi un bouffon à ses heures. Les Odes funambulesques dansent sur la corde avec ou sans balancier, montrant l’étroite semelle frottée de blanc d’Espagne de leurs brodequins et se livrant au-dessus des têtes de la foule à des exercices prodigieux au milieu d’un fourmillement de clinquant et de paillettes, et quelquefois elles font des cabrioles si hautes, qu’elles vont se perdre dans les étoiles. Les phrases se disloquent comme des clowns, tandis que les rimes font bruire les sonnettes de leurs chapeaux chinois et que le pitre frappe de sa baguette des toiles sauvagement tatouées de couleurs féroces dont il donne une burlesque explication. Cela tient du boniment, de la charge d*atelier, de la parodie et de la caricature. Sur le patron d’une ode célèbre, le poète découpe en riant le costume d’un nain difforme comme ceux de Velasquez ou de Paul Véronèse, et il fait glapir par des perroquets le chant du