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groupés en quatrains devinrent pour quelque temps un sujet d’exercice parmi les jeunes poëtes.

II


La révolution de Février ne fut pas une révolution littéraire ; elle produisit plus de brochures que d’odes. La rumeur de la rue étourdissait la rêverie ; la politique, les systèmes, les utopies occupaient et passionnaient les imaginations, et les poètes se taisaient, sachant qu’ils auraient chanté pour des sourds. Cependant, de tout ce tumulte, il jaillit une figure originale : Pierre Dupont. Il réalisa à peu près l’idéal qu’on se faisait d’un poëte populaire, et fut l’Auguste Barbier de cette révolution, bien qu’il n’y eût aucun rapport entre ses Chansons et les Iambes. Pierre Dupont, quelque temps avant Février, avait obscurément cherché sa voie et essayé plusieurs sentiers qui l’éloignaient du but. Laissant, enfin, les imitations et les formes convenues, il osa être lui-même et inventa une chanson nouvelle qui ne doit rien à Béranger et semble d’abord étrangère à l’art, quoiqu’il y en ait du plus fin et du plus délicat, caché sous une apparente rusticité. Cette chanson n’a pas l’air d’être faite par un homme de lettres dans son cabinet. Elle rappelle les cantilènes des paysans suivant leurs charrues, des pâtres gardant leurs troupeaux, des filles tournant leurs fu-