Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/355

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école, il possède un coin à son effigie avec lequel il frappe toute sa monnaie, qu’elle soit d’or, d’argent ou de bronze.


Bien qu’il se rattache par ses admirations et la nature de son talent à la grande école de 1830, Louis Bouilhet appartient par son âge et son début à la période actuelle. Il s’est laissé détourner de la poésie pure par le théâtre, où le brillant accueil qu’il a reçu le retiendra peut-être toujours. Mais il n’en a pas moins fait trois volumes de vers qui eussent suffi à sa réputation, quand même il n’eut pas abordé la scène, où la lumière se fait si vite sur un nom parfois obscur la veille. Le premier de ces recueils, intitulé Melænis, est un poëme d’assez longue haleine pour remplir à lui seul le volume. Le cas vaut la peine d’être noté dans ce temps d’inspirations élégiaques, lyriques, intimes et presque toujours personnelles. Les poèmes sont rares parmi les livres de vers, presque toujours composés de pièces détachées. En général, la composition est assez négligée par les poètes modernes, qui se fient trop aux hasards heureux de l’exécution et à ces beautés de détail qu’amènent quelquefois la recherche ou la rencontre des rimes ; car, de même qu’un motif jaillit sous les doigts du musicien laissant errer ses doigts sur les touches, une idée, une image résultent souvent des chocs de mots évoqués pour les nécessités métriques.

Melænis est un poëme romain où se révèle, dès les premiers vers, une familiarité intime avec la vie