Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/359

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Février, quand à peine les pavés des barricades étaient remis en place, que fut représentée à l’Odéon la Fille d’Eschyle, de Joseph Autran, et avec un succès qui l’emporta sur les graves préoccupations politiques du moment.

Nous transcrivons ici les quelques lignes servant de début à notre feuilleton du 27 mars 1848 ; elles donnent la note juste de l’impression ressentie à cette fiévreuse époque. « Du premier coup, M. J. Autran a conquis l’escabeau d’ivoire sous le portique de marbre blanc où trônent les demi-dieux de la pensée. Ces Grecs de Marseille qui habitent une rive dorée entre le double azur du ciel et de la mer, ont de naissance la familiarité de l’antique : le rhythme, le nombre, l’harmonie leur sont naturels ; d’une sensualité athénienne à l’endroit du beau, ils ont un amour de la forme plastique rare en France, où Ton est plus penseur qu’artiste. Marseille est la patrie de la rime riche, des épilhèles sonores, de l’alexandrin musical. Là, les poètes ont encore une lyre et improviseraient aisément leurs vers sur quelque promontoire, en face des flots et du soleil, au milieu d’un cercle d’auditeurs, comme sur le cap Sunium ou le môle de Naples. »

La couronne de l’Académie confirma le jugement du public, et la Fille d’Eschyle put mettre le laurier sur le front de son père, injustement vaincu par d’indignes rivaux à son dernier combat tragique.

Nous n’avons ici à nous occuper que de la poésie proprement dite, en dehors de la forme scénique ;