Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/365

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un de ces charmants petits vases lacrymatoires d’argile antique contenant une larme durcie en perle pour qu’elle ne s’évapore pas.

Sur les confins extrêmes du romantisme, dans une contrée bizarre éclairée de lueurs étranges, s’est produit, quelque peu après 1848, un poëte singulier, Charles Baudelaire, l’auteur des Fleurs du mal, un recueil qui fit à son apparition un bruit dont n’est pas ordinairement accompagnée la naissance des volumes de vers. Les Fleurs du mal sont en effet d’étranges fleurs, ne ressemblant pas à celles qui composent habituellement les bouquets de poésies. Elles ont les couleurs métalliques, le feuillage noir ou glauque, les calices bizarrement striés, et le parfum vertigineux de ces fleurs exotiques qu’on ne respire pas sans danger. Elles ont poussé sur l’humus noir des civilisations corrompues, ces fleurs qui semblent avoir été rapportées de l’Inde ou de Java, et le poëte se plaît à les cultiver de préférence aux roses, aux lis, au jasmins, aux violettes et aux vergiss-mein-nicht, innocente flore des petits volumes à couverture jaune paille ou gris de perle. Baudelaire, il faut l’avouer, manque d’ingénuité et de candeur ; c’est un esprit très-subtil, très-raffiné, très-paradoxal, et qui fait intervenir la critique dans l’inspiration. Sa familiarité de traducteur avec Edgar Poë, ce bizarre génie d’outre-mer qu’il a le premier fait connaître en France, a beaucoup influé sur son esprit, amoureux des originalités voulues et mathématiques. Virgile a été