Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/370

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lyses, pour rendre les pensées, les rêves et les postulations du poëte. Ces pensées, il est vrai, n’ont plus la fraîche simplicité du jeune âge ; elles sont subtiles, maniérées, entachées de gongorisme, bizarrement profondes, égoïstiquement individuelles, tournant sur elles-mêmes comme la monomanie et poussant la recherche du nouveau jusqu’à l’outrance et au paroxysme. Pour emprunter une comparaison à l’écrivain dont nous essayons de caractériser le talent, c’est la différence de la lumière crue, blanche et directe du midi écrasant toutes choses, à la lumière horizontale du soir incendiant les nuées aux formes étranges de tous les reflets des métaux en fusion et des pierreries irisées. Le soleil couchant, pour être moins simple de ton que celui du matin, est-il un soleil de décadence digne de mépris et d’anathème ? On nous dira que cette splendeur tardive où les nuances se décomposent, s’enflamment, s’exacerbent et triplent d’intensité, va bientôt s’éteindre dans la nuit. Mais la nuit, qui fait éclore des millions d’astres, avec sa lune changeante, ses comètes échevelées, ses aurores boréales, ses pénombres mystérieuses et ses effrois énigmatiques, n’a-t-elle pas bien aussi son mérite et sa poésie ?

Pour compléter cette physionomie, qu’on nous permette d’emprunter un morceau à une étude que nous écrivions, il y a quelques années, lorsque rien encore ne faisait présager la fin du poëte qui vient de s’éteindre si tristement. Nous rendions l’effet qu’avaient produit sur nous les Fleurs du mal par