Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/77

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On montait aux nues le succès de Lucrèce pour approfondir la chute de la première pièce de Victor Hugo qu’on devait bientôt jouer. Inquiets pour les Burgraves, Vacquerie et Meurice allèrent demander à Célestin Nanteuil trois cents Spartiates déterminés à vaincre ou à mourir plutôt que de laisser franchir les Thermopyles à l’armée barbare. Nanteuil secoua sa longue chevelure toute crespelée et tout annelée d’un air profondément mélancolique, et répondit en soupirant à Vacquerie qui avait porté la parole : « Jeune homme, allez dire à votre maître qu’il n’y a plus de jeunesse ! Je ne puis fournir les trois cents jeunes gens. »

Bien des années s’étaient écoulées déjà depuis les belles soirées d’Hernani, où toute la jeunesse semblait se ruer d’un seul élan vers l’avenir, ivre d’enthousiasme et de poésie, comptant cueillir à son tour pour elle les palmes qu’elle disputait pour un autre. Le talent du maître avait pourtant grandi encore ; son génie s’était développé et avait pris des proportions titaniques. Il avait atteint le sublime dans cette trilogie eschylienne de Job le maudit, ce Prométhée du Rhin ayant le Taurus pour Caucase et l’empereur Frédéric Barberousse pour Jupiter.

C’était une élégance, en ce temps-là, pour les éditions romantiques, d’avoir une vignette, un frontispice, une eau-forte de Célestin Nanteuil. La présence de l’image donne maintenant une grande valeur au livre, et les bibliophiles recherchent les exemplaires qui en sont ornés. Les compositions de