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TROP TARD

Nous arrivâmes à Moscou le soir : une voiture de la comtesse nous attendait à la gare. Pendant le court trajet de la gare à la demeure de Grégorowna, je ne pus dire une parole ; ma mère tenait ma main dans la sienne et la serrait nerveusement, elle était presque aussi émue que moi.

Ce fut comme dans un rêve que j’aperçus une cour sablée, de grands arbres, un péristyle vitré, vivement éclairé, et que je foulai le tapis de l’escalier à travers des plantes tropicales. Un parfum de verveine me monta au cerveau ; une voix, qui me parut douce comme une musique et terrible comme les trompettes du jugement, retentit. Un frissonnement de soie, vif, impatient ! La comtesse accourait vers nous, elle embrassait ma mère.

— « C’est lui ! c’est Marcel ! Ah ! embrasse-moi, cher enfant, » dit-elle en se retournant vers moi.

Je demeurai comme anéanti : tout tourbillonna autour de moi.

— « Malédiction ! m’écriai-je. Ma vie est manquée, je suis né trop tard. »

Et je tombai évanoui sur le sein de la comtesse, qui me reçut dans ses bras.

Que te dirai-je, cher ami ? Grégorowna a cin-