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LE FRUIT DÉFENDU.

la proie d’une idée fixe ; vif et prompt malgré son embonpoint déjà respectable, il se démenait de toutes ses forces, trouant la foule des coudes, des poings, du front, vers les étalages de costumes où se vendait la défroque des grands personnages ; il jetait un regard avide parmi les laines et les soies de toutes couleurs, puis, comme découragé, s’éloignait en soupirant.

Au moment où il allait atteindre la dernière et la plus somptueuse boutique d’habillements, deux hommes à cheval se montrèrent tout à coup au coin de la rue des Tam-Tam, repoussant la foule à coups de bâton, et criant à tue-tête : « Là ! là ! là ! » C’étaient les avant-coureurs d’un cortège magnifique, qui devait traverser, dans sa largeur, la rue des Marchands-de-Lanternes : l’illustre mandarin Tchin-Tchan, gouverneur de Canton, allait faire sa visite de commencement d’année au vice-roi Koua-Pio-Kouen. Dès que la foule fut suffisamment écartée et comme coupée en deux tronçons, de nombreux domestiques, portant des petits cochons rôtis au bout de grandes piques de bois, s’avancèrent rapidement et traversèrent la rue ; ensuite parut une chaise à porteurs, magnifiquement