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ISOLINE

On se mit en marche en grande tenue, M. Aubrée portant les parapluies, Sylvie finissant de mettre ses gants, Gilbert tenant par la main la plus petite de ses nièces.

Les cloches sonnaient à toute volée, les citadins endimanchés se dirigeaient tous du même côté. On enfila la rue des Morts, qui débouche sur la place Saint-Sauveur en face de l’église. Les pavés inégaux du Carroi comme on appelle aussi cette grande place carrée entourée de maisons, qui gardent encore le dessin du Moyen Âge, bruissait sous le piétinement lourd des arrivants ; les trois arcades à plein cintre du portail faisaient des trous noirs dans lesquels, par groupes, la foule disparaissait. Sur les marches, des mendiants étaient assis à côté de grands tas de verdure.

Les orgues grondaient lorsque la famille Aubrée laissa retomber derrière elle la porte battante. Gilbert fut enveloppé tout à coup par la splendeur de ces sons puissants ; la pénombre mystérieuse faite par les vitraux, le vague parfum d’encens, l’impressionnèrent ; il eut un frisson qui lui mouilla les yeux : impression toute poétique d’ailleurs qui fut vite effacée par la voix nasillarde des chantres,