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ISOLINE

se jeta dans la lecture avec toute la fougue de son caractère.

Quelle stupéfaction ! toutes ces existences qui sortaient de ces feuillets, tous ces êtres qui naissaient dans son esprit, évoqués par les mots. Ce fut d’abord un chaos insensé, une mêlée d’histoire, de poèmes, de philosophie qui l’affolait, puis le jour se fit ; elle eut des préférences, l’histoire la séduisait, mais les vieux romans de chevalerie la passionnèrent, elle ne dormait plus, mangeait à peine, ne sortait jamais.

Comme elle ne savait rien et ignorait le monde réel, elle crut à celui qui peuplait ses rêves et y vécut exclusivement.

Toutes sortes d’aspirations lui venaient, elle ne pouvait plus souffrir les habits simples qu’elle avait toujours portés. Elle demanda de la soie, de riches étoffes, des parfums et du linge brodé. Mathurin lui procura tout cela. Elle prit ses modèles alors dans les gravures de tous les temps, gâta bien des étoffes, mais finit par devenir habile.

Un jour elle demanda un cheval.

— « Il y en a dans l’écurie, dit Mathurin. Si Mademoiselle veut choisir ? »