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ISOLINE

— « C’est ainsi que vous enlevez une forteresse qui défia des armées pendant des siècles ?

— Elle est un peu démantibulée.

— Mais la tour est haute et droite encore, je la croyais bien imprenable.

— Les marins grimpent comme des singes, dit Gilbert, c’est peu que cela ; en mer, quand la tempête se déchaîne, s’il faut monter au sommet d’un mât pour rattacher un bout de cordage, c’est plus dur. Là, si la tête vous tourne, on est perdu. Le mât est haut comme la tour, mais moins stable ; parfois son sommet effleure les vagues et celui qui s’y cramponne est flagellé d’eau, le vent fait rage pour l’arracher et l’emporter ; cela ne l’empêche pas toujours de rattacher son cordage.

— Vous avez fait cela ?

— Cent fois ; mais, adorable enfant, est-ce donc ainsi que la réalité vous trouble, vous qui ne rêvez que des héros d’autrefois dont le principal mérite était de verser leur sang et celui des autres ? Ces boucheries vous eussent fait mourir, puisque le moindre mouvement où l’on risque une égratignure vous a arraché des larmes.