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L’ORIENT.

siles, le tarentasse est inversable, et il se rit des mauvais chemins ou plutôt de l’absence de tous chemins : vous pouvez vous fier à lui et vous lancer à plein galop dans le steppe, où les ornières qui se croisent sur une largeur de soixante à quatre-vingts sagènes vous indiquent seules la route, vaste zone abandonnée à tout venant, sillage immobile dans cet océan végétal.

On attelle le tarentasse en troïka, c’est-à-dire avec trois chevaux ; celui du milieu, qui est toujours le plus fort, enlève la charge ; les deux autres, placés en flèche et retenus par une simple courroie, aident leur compagnon avec un air de bonne humeur, et galopent souvent pendant qu’il trotte. La douga, découpée en ogive et garnie de clochettes, arrondit son arc peint de couleurs vives au-dessus de la tête du limonier, et les brancards viennent s’y ajuster par un système de bandelettes. Le joyeux tintement de ces grelots anime l’attelage dont il rhythme en quelque sorte l’allure ; il empêche le cocher de s’endormir, et son babil sonore ôte