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L’ORIENT.

négatif et voltairien ; il admettait tout, et sa vaste érudition ne manquait jamais de ressources pour rattacher à l’idée fondamentale le fait divergent en apparence par quelque interprétation symbolique aussi subtile qu’inattendue. Il rendait des respects à tous les dieux, et comme il le disait : « Pourquoi ne pas être poli à l’endroit de Jupiter ? » Toute raillerie contre les dieux olympiens le gênait visiblement, et il n’aimait pas qu’on parlât mal d’aucun prophète, même de Hamza le prophète, de Hakem, dernière apparition de la divinité sur terre.

Un jour, à la place Royale, debout devant la grande cheminée du salon de Victor Hugo, Gérard dissertait sur son sujet favori, mélangeant les Olympes et les Enfers des différents cultes avec une impartialité telle qu’un des assistants lui dit : « Mais, Gérard, vous n’avez aucune religion ! »

Il toisa dédaigneusement l’interrupteur et fixant sur lui ses yeux gris, étoiles d’une scintillation étrange, il répondit : « Moi, pas de religion ; — j’en ai dix-sept… au moins ! »