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SYRIE.

Kamar, d’où l’on apercevait Béir-Eddin, l’antique résidence des émirs de la montagne, assignée pour demeure à Séid-Eschérazy. Ce palais est bien le symbole de la politique des émirs qui l’habitaient. Il est païen par ses colonnes et ses peintures, chrétien par ses cours et ses ogives, musulman par ses dômes et ses kiosques. Il contient le temple, l’église et la mosquée, enchevêtrés dans ses constructions, à la fois palais, donjon et sérail ; il ne lui reste aujourd’hui qu’une portion habitée, la prison. Salèma avait accompagné son père logé au château, et c’était l’aimant qui attirait Gérard. Mais cette situation ne pouvait se prolonger. Il fallait s’expliquer. Aux premières ouvertures, le cheick se posa le doigt sur le front et dit : Enté medjnoun (es-tu fou) ?

Gérard répondit modestement que Medjnoun était le nom d’un amoureux célèbre, et qu’il ne repoussait pas cette qualification.

— Aurais-tu vu ma fille ? s’écria le cheick avec une expression de physionomie si farouche que toutes sortes d’aventures tragiques