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EN CHINE.

rêves que vous avez faits à la vapeur du thé, en regardant les tasses bleues, les coffres de laque incrustés de nacre, les potiches, les paravents, les éventails et les albums sur moelle de roseau, où ce peuple singulier trace des portraits que l’Européen sceptique s’obstine à prendre pour des chimères.

Cette jonque, ne l’avons-nous pas vue déjà, esquissée en traits d’azur sur le fond d’une assiette ou la panse d’un vase, voguer vers un pays impossible et vrai cependant, au milieu d’une eau rayée d’or où plongent les cormorans pêcheurs ? La porcelaine et les papiers de tenture n’ont pas menti.

C’est une sensation étrange de voir flotter à travers les agrès noirs et blancs des navires européens, sous le ciel de Londres barbouillé de brouillard et de suie, ces étendards éclatants historiés de dragons, et qui se sont déroulés aux brises des Antipodes ; l’imagination a de la peine à s’y accoutumer.

La jonque a une forme qui rappelle celle des galères du seizième et du dix-septième siècle, dessinées par Della Bella dans ses