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L’ORIENT.

soit, trahit toujours son secret dans son travail ou dans son art : mais qu’est-ce que cela, lorsqu’on voit l’indigène lui-même, un être humain d’une race séparée depuis des milliers d’années du reste de la création, race à la fois enfantine et décrépite, civilisée quand tout le monde était barbare, barbare quand tout le monde est civilisé ; stationnaire au milieu des siècles qui s’écoulent et des empires qui disparaissent ; aussi nombreuse à elle seule que toutes les nations qui peuplent le globe, et pourtant ignorée comme si elle n’existait pas ?

Rien ne nous intéresse comme de voir un individu authentique d’une race humaine que l’on rencontre rarement en Europe. Sous cette peau bronzée, cet angle facial d’une ouverture différente, ce crâne bossue de protubérances qui ne sont pas les nôtres, nous cherchons à deviner en quoi l’âme de ce frère inconnu, adorant d’autres dieux, exprimant d’autres idées avec une autre langue, ayant des croyances et des préjugés spéciaux, peut ressembler à notre âme ; nous cherchons avi-