Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
308
L’ORIENT.

qu’ils rappellent sous des proportions moindres et des formes adoucies.

Que de fois en songeant à ce pays étrange, qui pour nous restera à l’état de chimère, nous nous sommes créé d’éblouissants mirages ! que de fois nous avons escaladé les étages infinis de cette pagode de Djaggernath, dont les tours superposées s’enfoncent dans le ciel, comme une autre Babel qu’a respectée la colère de Dieu ! que de fois nous avons pénétré, glacé par une horreur religieuse, dans les profondeurs insondées du temple souterrain d’Ellora, cathédrale en creux, moule et matrice d’où semblent sortir les innombrables édifices sacrés de l’Inde ! que de fois nous avons erré dans ses dédales obscurs, cœcums architecturaux serpentant dans le ventre de la montagne, et dont la pointe de Piranèse serait impuissante à rendre les opaques terreurs et les noires perspectives ébauchées dans la nuit par un rayon livide, en nous répétant comme le refrain d’une litanie monotone le vers si magnifiquement caverneux de Victor Hugo :