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L’INDE.

guerre du moyen âge. Il y a bien aussi quelques arquebuses à rouet, quelques mousquets à mèche, et même aussi un canon fantasié en chimère, qui se termine par une gueule de dragon d’un goût chinois ; mais le tout relève plutôt du joaillier que de l’armurier. Ce goût des pierreries est si fort aux Indes que, non content d’en mettre partout, on en met en bouteille. Non-seulement on s’en pare, mais encore on en boit. Il y a du vin rouge de rubis, du vin blanc de perle, qui est fort comme du vitriol et coûte 300 fr. le flacon. Cette délicatesse, vous le concevez, est réservée aux rajahs et aux nababs.

« Mais, allez-vous dire après le récit de ces incroyables profusions, tout le monde est donc riche, là-bas ? » Hélas ! non. Cette robe de perles est tissée de la nudité d’une province. Cent mille Hindous boivent de l’eau pour qu’un rajah boive du rubis fondu. Des millions d’individus, parqués fatalement dans la caste d’où ils ne peuvent sortir, vivent d’une poignée de riz, d’un régime de banane, et n’ont pour ornement sur leur peau hâlée