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L’ORIENT.

dans la nature, et les formes ornementales n’étant que dans des formes mathématiques rhythmées. Plus d’un Arabe ou d’un Turc, qui peut-être aurait été Michel-Ange ou Raphaël sous une autre religion, a dépensé des facultés immenses à l’invention ou à la déduction de ces merveilleux dédales qui servent à exprimer des rêves d’infini tout aussi bien que la Madone ou le Pensiero.

Privés du dessin proprement dit, les Orientaux ont acquis une prodigieuse finesse de coloris. Leurs facultés artistiques, comprimées à d’autres endroits, se sont singulièrement développées en ce sens ; personne ne les a jamais égalés dans l’art de rompre les nuances, de les marier, de les contraster, de les employer par masse ou par filets, de les proportionner dans une eurhythmie infaillible. Le moindre teinturier de Damas, le moindre tisseur de tapis de Smyrne en sait plus sur les couleurs que M. Chevreul avec ses travaux chimiques et ses roues bariolées. Nous ne pouvons associer deux couleurs sans qu’aussitôt elles se mettent à hurler, et encore nous