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L’ORIENT.

pharaonique convenait bien à un voyage ayant pour but l’Égypte, était sous vapeur, n’attendant plus que les derniers sacs de dépêches pour lever ses amarres, et nous causions sur le tillac avec un de nos anciens amis de 1830, maintenant commissaire du gouvernement près des Messageries impériales, des choses d’autrefois, de notre vie de bohème dans l’impasse de la rue du Doyenné, où nous demeurions tous ensemble gais, insoucieux, pleins de rêves et d’espérances, étonnant la vieille maison qui nous abritait de notre activité bruyante. Ces entretiens, réveillant d’anciens souvenirs, disposent à la mélancolie, et une tristesse indéfinissable, mêlée de vagues appréhensions, nous envahissait le cœur malgré nous, et la dernière phrase que nous adressâmes à notre compagnon de jeunesse, quand sonna le signal définitif du départ, fut celle-ci : « Je ne sais à quoi tient que je ne retourne à terre avec toi ; nous dînerions ensemble à la Réserve, et je prendrais le train de dix heures pour Paris ; il me semble qu’il va m’arriver malheur ! »