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ÉGYPTE.

Notre instinct était juste et notre pressentiment fut bientôt confirmé. Pour nous rassurer, nous nous disions : La terre de Kémé nous sera favorable. Dans le roman de la Momie, nous avons parlé avec respect des dieux de la vieille Égypte. Nous n’avons pas raillé Isis sur ses cornes de vache, ni Pascht sur ses moustaches de chatte. Devant ces dieux à tête de singe, de chien, d’épervier, de crocodile, notre sérieux ne s’est pas démenti un instant. Notre encens a fumé au bout de l’amschir de bronze sous les narines d’Hathor, la Vénus locale, et nous nous sommes gardé de tirer en voltairien la barbe funèbre d’Osiris. Ces antiques divinités, qu’on adorait dans des temples gigantesquement splendides, que les siècles ni les hommes n’ont pu renverser, au temps où l’Europe n’était qu’une forêt marécageuse, peuplée à peine de quelques sauvages tatoués n’ayant que des armes de silex, conserveront, malgré leur déchéance, bien assez de crédit pour protéger un pauvre poëte superstitieux contre le fascino et les mauvais présages.