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ÉGYPTE.

ment personnels, dont nous n’aurions pas parlé s’ils n’eussent été divulgués par les journaux. Les passer tout à fait sous silence eût été de l’affectation, insister serait fastidieux, car rien n’est plus insupportable que le moi, et, si parfois nous l’employons, ce n’est que pour relier une phrase à une autre et parce qu’il faut bien que les tableaux successifs dont se compose un voyage aient eu d’abord un spectateur. Nous nous réduisons autant que possible à n’être qu’un œil détaché comme l’œil d’Osiris sur les cartonnages de momie, ou celui qui arrondit ses noires prunelles à la proue des barques de Cadix et de Malte.

Les côtes avaient depuis longtemps disparu, et nous voguions sur la mer déserte, apercevant à peine à grand renfort de lorgnettes sur le bord de l’horizon une petite fumée rabattue par le vent qui trahissait l’Aréthuse, restée en arrière. Appuyé sur ses voiles de foc, le Mœris filait rapidement et sans trop de secousses ; pourtant cet indéfinissable malaise dont on n’a pas encore pu