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L’ORIENT.

tion touchante et comique des singes de l’Hippodrome lorsque, dans la coulisse, on les revêtait de leurs habits pour être lancés sur la courbe du centrifugal railway. C’était le même désespoir. Les singes du Caire connaissaient sans doute le sort qui les attendait et l’exercice qui allait suivre.

En effet, leur maître secoua leur torpeur en agitant la corde retenue à leurs reins, les rapprocha de lui par deux ou trois brusques saccades, et, prenant son serpent par la queue, le balança sur leurs têtes ; alors les pauvres singes, affolés de terreur, se mirent à tourner en rond, glapissant d’une façon lamentable, faisant des culbutes extravagantes, levant au ciel leurs petites mains noires comme pour protester contre la tyrannie de l’homme, s’arrachant le poil de la tête et se coupant presque le ventre pour briser leur chaîne.

Cependant l’uræus irrité gonflait formidablement sa gorge, ondulait avec fureur, et ressemblait, dans la main du psylle, au fouet de l’Euménide antique ; les pauvres singes,