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L’ORIENT.

Notre première idée fut de courir à la fenêtre, et nous fûmes tout surpris de voir que cette citation de Shakespeare : « Le matin grisâtre descendait la colline les pieds dans la rosée, » s’appliquait beaucoup mieux à l’aube du Caire que la phrase classique d’Homère : « L’aurore aux doigts de rose ouvrait les portes de l’Orient. »

Rien ne ressemblait plus à un ciel de Normandie que ce ciel d’Égypte vu à cette heure. De larges bandes de nuages gris s’étendaient au-dessus de la place, et une brume, semblable à des flots de fumée chassés par le vent, rampait sur l’horizon. Sans l’attestation formelle des minarets et des palmiers, on aurait eu de la peine à se croire en Afrique.

Sur ce fond de ciel automnal, planaient, en décrivant de grands cercles, des éperviers, des milans et des gypaëtes poussant des piaulements aigus ; passaient en rabattant leur essor près de terre, par crainte des oiseaux de proie, des essaims de pigeons, et volaient des corneilles grises d’une espèce particulière ; tandis que, sous les arbres et dans les allées,