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ÉGYPTE.

de l’Orient ; des juifs sordides et changeurs de monnaies, et quelquefois un Santon tout nu qui s’avance en récitant sa profession de foi. »

Ce jour-là, — notre conscience de voyageur nous oblige à l’avouer, — nous ne vîmes pas le Santon tout nu, mais nous ne perdîmes rien pour attendre.

Ce qui frappe l’étranger, ce qui le transporte le plus loin de sa ville et de sa banlieue, ce qui lui prouve que, malgré la civilisation envahissante, il est bien véritablement dans l’Orient rêvé, c’est le chameau, cet animal étrange, qui semble survivre aux créations disparues. Quand il s’avance vers nous avec son dos gibbeux, ses jambes déhanchées, dont les articulations sont marquées de callosités difformes, ses larges pieds faits pour s’épanouir dans le sable, ses flancs maigres, où floconnent quelques touffes de laine bourrue, son long col rappelant celui de l’autruche, sa tête à la lèvre pendante, aux narines coupées obliquement, dont le grand œil mélancolique, bordé de cils blanchâtres,