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LE FAYOUM, LE SINAÏ ET PÉTRA.

IV

Nous ouvrons le livre. Pourtant nous étions décidé à ne pas lire ce jour-là, tant notre pensée pliait sous l’accablement de sa douleur. Dès la première page se présente un dessin de Gérôme, « le portrait de Fatma », comme une hôtesse souriante au seuil de sa demeure et qui nous invite à y entrer. Elle a ces longs yeux de gazelle d’une placidité triste et douce, ce nez fin, légèrement busqué, qu’un bref contour rattache à la bouche un peu épaisse, épanouie par un mystérieux sourire de sphinx, ces pommettes adoucies d’un dessin si moelleux, et ce menton délicat tatoué de trois raies bleues perpendiculaires, — un type féminin fréquent en Égypte et fixé en quelques coups de crayon, avec le profond sentiment ethnographique qui le distingue, par le peintre de la Prière, des Amantes, de la Cage sur le Nil et du Marché d’esclaves. En regardant Fatma, il nous prend une invincible nostalgie du Caire et