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SALAMMBÔ.

moitié avec la science, moitié avec l’intuition, de relever ces ruines enterrées sous les écrasements des catastrophes, de les colorer, de les peupler, d’y faire jouer le soleil et la vie, et de se donner ce spectacle magnifique d’une résurrection complète ! D’ailleurs, en écrivant Salammbô, M. Gustave Flaubert, loin de sortir de sa nature, y est plutôt rentré. Les fragments de la Tentation de saint Antoine, inédite encore, autrefois insérés dans le journal l’Artiste, en sont une preuve concluante. Madame Bovary ne fut en quelque sorte qu’un exercice laborieux que l’auteur s’était imposé pour mater son lyrisme, de même qu’on fatigue par des courses dans les terres labourées les chevaux trop fougueux et prompts à prendre le mors aux dents.

On ne saurait exiger de Salammbô, roman carthaginois, la peinture des passions modernes et la minutieuse étude de nos petits travers en habit noir et en paletot sac. Et cependant la première impression que semble produire le livre de M. Gustave Flaubert sur la généralité des lecteurs, et même des criti-