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L’ORIENT.

de puissance. L’armée des Mercenaires est là, sans chef, tumultueuse, inquiète, mécontente, admirable instrument à qui saura le saisir. Mathô ne l’écoute pas : toute son âme suit au loin la roue d’un char qui tourne au soleil levant comme un disque d’or et emporte Salammbô. Mais Spendius ne se décourage pas facilement, et il s’attache au Libyen, dont, à force de soins caressants, il parvient à capter la bienveillance distraite.

C’est ainsi que s’ouvre ce livre splendide et monumental. Devant cette merveilleuse peinture d’une composition si multiple et si compliquée, d’un dessin si robuste et d’une couleur si chaude, où revivent avec leurs traits caractéristiques, leurs costumes restitués, leurs attitudes nationales, tous ces types oubliés de peuples barbares, on craint que l’auteur, mauvais ménager de ses ressources, n’ait donné dès le début, son suprême effort et commencé par ce qui aurait dû être le tableau final. N’ayez pas peur ; cette riche palette a des nuances infinies et ne s’épuise pas sur une seule toile, fût-elle gigantesque.