Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
SALAMMBÔ.

pour la montrer à l’acheteur et le jette sur les épaules du Libyen ; maître du Zaïmph, drapé dans le palladium de Carthage, Mathô se sent une puissance surhumaine, et il n’a plus qu’une idée, se présenter à la fille d’Hamilcar, enveloppé pour ainsi dire de la divinité qu’elle adore avec tremblements, du mystère que sa rêverie ose à peine sonder. Quelque périlleuse que soit cette visite, Spendius comprend à l’exaltation de Mathô qu’il ne saurait s’y opposer sans faire tourner cette folie en fureur. Mathô monte l’escalier d’ébène par lequel est descendue Salammbô le jour de l’orgie des Mercenaires, pousse la porte noire à croix rouge, et à la clarté d’une lampe d’argent, faite comme une galère, il découvre au fond d’une suite de chambres somptueuses la jeune vierge endormie sous une gaze dans un hamac d’azur. Salammbô s’éveille, et, à la vue du sacrilège revêtu du Zaïmph, son indignation éclate en cris perçants. De toutes parts des esclaves accourent, et Mathô ne s’échappe que grâce à la terreur qu’inspire le voile de la déesse. Pour arrêter