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L’ORIENT.

comme une frange d’écume au bord d’une mer troublée ; au delà commençait l’azur, et alors, à des profondeurs qui n’avaient pas de limites, à travers des limpidités inconnues, on apercevait le pays céleste du bleu. Des brises chaudes montaient, avec je ne sais quelles odeurs confuses et quelle musique aérienne, du fond de ce village en fleurs ; les dattiers, agités doucement, ondoyaient avec des rayons d’or dans leurs palmes, et l’on entendait courir, sous la forêt paisible, des bruits d’eau mêlés aux froissements légers du feuillage, à des chants d’oiseaux, à des sons de flûte. En même temps, un muezzin qu’on ne voyait pas se mit à chanter la prière du soir, la répétant quatre fois aux quatre points de l’horizon, et sur un mode si passionné, avec de tels accents, que tout semblait se taire pour l’écouter !

« Le lendemain, même beauté dans l’air et même fête partout ; alors seulement je me donnai le plaisir de regarder ce qui se passait au nord du village, et le hasard me rendit témoin d’un phénomène en effet très-singulier.