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LES BAYADÈRES

Le seul mot de bayadère éveille dans les cerveaux les plus prosaïques et les plus bourgeois une idée de soleil, de parfum et de beauté : à ce nom doux comme une musique, les philistins eux-mêmes commencent à sauter sur un pied et à chanter Tirely, comme le Berlinois de Henri Heine ; l’imagination se met en travail, l’on rêve de pagodes découpées à jour, d’idoles monstrueuses de jade ou de porphyre, de viviers transparents aux rampes de marbre, de chauderies au toit de bambou, de palanquins enveloppés de moustiquaires et d’éléphants blancs chargés de tours vermeilles ; l’on sent comme une espèce d’éblouissement lumineux, et l’on voit passer à travers la blonde fumée des cassolettes les étranges silhouettes de l’Orient.