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L’ORIENT.

ne laissaient aucune place aux simples promeneurs, nous entrâmes donc dans une rue de l’immense édifice, et nous y éprouvâmes au bout de quelques pas une sensation de fraîcheur tranquille et de demi-jour transparent qui reporta notre pensée, par une analogie d’impression, aux temps heureux où nous visitions Smyrne, la ville des roses.

Un matin nous avions fait une promenade aux bords du Mélès, dont les eaux baignèrent jadis les pieds d’Homère enfant, qui en garda l’épithète de Mélèsigène. Un pont d’une seule arche l’enjambait, sur lequel passaient en ce moment des chameaux découpant leur silhouette bizarre. Au bas du pont, devant un corps de garde blanchi à la chaux, des Zeibecks, qu’on aurait pu croire peints par Decamps, fumaient ou dormaient. Sur l’autre rive, un délicieux cimetière turc, planté d’énormes cyprès d’où s’échappaient des bouffées de colombes, faisait briller ses tombes blanches égayées d’or et de couleurs vives. Pendant que nous regardions ce spectacle, oubliant les heures, midi était venu, et