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LA CHANSON DE ROLAND

« Jadis il vous envoya quinze de ses païens,
« Portant chacun une branche d’olivier,
« Et qui vous tinrent exactement le même langage.
« Vous prîtes aussi le conseil de vos Français,
« Qui furent assez fous pour être de votre avis.
« Alors vous envoyâtes au Roi deux de vos comtes :
« L’un était Basan, l’autre Basile.

« Que fit Marsile ? Il leur coupa la tête, là-bas, dans les montagnes au-dessous d’Haltoïe.

« Faites, faites la guerre, comme vous l’avez entreprise ;
« Conduisez sur Saragosse votre armée ;
« Mettez-y le siége, dût-il durer toute votre vie ;
« Et vengez ceux que Marsile le félon a fait mourir. »


XV


L’Empereur tient la tête baissée ;
Il tourmente sa barbe et tire sa moustache ;
À son neveu ne répond rien, ni bien, ni mal.
Tous les Français se taisent, tous, excepté Ganelon.
Ganelon se lève, s’avance jusque devant Charles,
Et très-fièrement commence son discours :
« N’en croyez pas les fous, dit-il au Roi ;
« N’en croyez ni les autres ni moi ; n’écoutez que votre avantage.
« Quand Marsile vous fait savoir
« Qu’il est prêt à devenir, mains jointes, votre vassal ;
« Quand il consent à tenir toute l’Espagne de votre main
« Et à recevoir notre foi,
« Celui qui vous conseille de rejeter de telles offres,
« Celui-là ne se soucie guère de quelle mort nous mourrons.

« C’est là le conseil de l’orgueil, et ce conseil ne doit pas l’emporter plus longtemps.

« Laissons les fous, et tenons-nous aux sages ! »