Page:Gautier - La Chanson de Roland - 2.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
NOTES ET VARIANTES

chan, — son armure était dorée comme une flamme, — frappa l’un des Pairs, nommé Angases, et le pourfendit jusqu’aux épaules. L’Archevêque vit ceci, et dit : « Oh ! méchant païen ! que Dieu s’irrite contre toi ! L’homme que tu as tué, tu le payeras bien cher ; » et il le frappa tellement sur son cou, que la tête de Malchan vola par la campagne.

Le fils du roi de Cappadoce, appelé Grandones, fit beaucoup de mal aux chrétiens ; il frappa à mort quatre Pairs, l’un après l’autre : Gerin et Geris, Bering et Antoine de Valtaborg (?). Les hommes de France s’en affligeaient beaucoup ; les païens se criaient les uns aux autres, et encourageaient leurs gens. Roland dit à Grandones : « Que Dieu se venge de ceci sur toi ! Moi, j’en vais tirer vengeance, si je puis. » Et il courut sur lui avec une épée ensanglantée ; Glandones se baissa ; Roland le frappa par derrière à la nuque, et lui fendit la tête jusqu’à la bouche ; il frappa un autre coup sur son épaule, et le fendit avec son cheval en deux. Alors les hommes de France s’écrièrent : « Nous avons un capitaine accompli. » Le combat était dur ; les païens tombaient si nombreux, que personne ne pouvait connaître le nombre des morts. Roland courait au milieu de sa troupe en long et en large, et disait aux païens : « Maintenant vous allez éprouver si vos faux dieux de mascarade (?) sont plus puissants que le Fils du Dieu du ciel. » Les païens dirent : « Les hommes de France sont difficiles à combattre, aussi allons-nous fuir. » Ils s’enfuirent vers le roi Marsilius, et lui dirent qu’ils avaient perdu deux batailles. Alors le roi Marsilius partit pour la troisième bataille. Et il avait avec lui deux cent mille hommes.

L’Empereur était couché là-bas dans une lande qui se nommait Sintes (?). Là, il rêva qu’il était élevé en l’air au milieu d’une grande pluie, de la tempête et des éclairs, et tout cela tombait et jetait ses hommes à la renverse. Il lui sembla aussi qu’un lion voulait prendre et dévorer ses gens, et qu’un lion lui mettait ses deux pattes dans la bouche. Il lui sembla encore qu’il était rentré en France, qu’il avait une corde autour de ses deux jambes, et que trente hommes venaient à lui en courant, et disaient : « Maintenant l’Empereur est vaincu, et jamais plus il ne portera la couronne. » Là-dessus il s’éveilla et dit : « J’ai rêvé des choses étonnantes cette nuit ; j’ai peur que Roland ne soit plus en vie. »

Les païens et les chrétiens se combattirent donc à Runtseval une troisième fois. Turpin l’archevêque frappa un païen nommé Ambori, et le pourfendit jusqu’à la selle. Alors Roland dit : « Notre archevêque est un bon chevalier, et maintenant, s’il se trouve en danger, il est d’un bon secours ! » (?) Et ainsi tombent les chrétiens si serrés devant les païens, que, sur vingt mille hommes, il n’en reste plus guère que six cents. Les païens commencèrent à lutter de nouveau ; et alors