Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/111

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Dans la forêt de pins, parmi les âpres roches,
Où n’arrive pas même un bruit lointain de cloches ;
Dans quelque Thébaïde, aux lieux les moins hantés,
Comme en cherchaient les saints pour leurs austérités ;
Sous la grotte où grondait le lion de Jérôme,
Oui, c’est là que j’irais pour respirer ton baume
Et boire la rosée à ton calice ouvert,
Ô frêle et chaste fleur, qui crois dans le désert
Aux fentes du tombeau de l’Espérance morte !
De mon cœur dépeuplé je fermerais la porte
Et j’y ferais la garde, afin qu’un souvenir
Du monde des vivants n’y pût pas revenir ;
J’effacerais mon nom de ma propre mémoire ;
Et de tous ces mots creux : Amour, Science et Gloire
Qu’aux jours de mon avril mon âme en fleur rêvait,
Pour y dormir ma nuit j’en ferais un chevet ;
Car je sais maintenant que vaut cette fumée
Qu’au-dessus du néant pousse une renommée.
J’ai regardé de près et la science et l’art :
J’ai vu que ce n’était que mensonge et hasard ;
J’ai mis sur un plateau de toile d’araignée
L’amour qu’en mon chemin j’ai reçue et donnée ;
Puis sur l’autre plateau deux grains du vermillon
Impalpable, qui teint l’aile du papillon,