Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/198

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Et diriez volontiers : silence ! au rossignol,
Le front tout soucieux et penché vers le sol,
Vous passez sans répondre au gai salut des merles ;
Où donc est-il ce temps où vous comptiez les perles
Et les beaux diamants aux éclairs diaprés,
Que répand le matin sur le velours des prés ?
Avec un soin plus grand que pour des pierres fines,
Vous enleviez aux fleurs les gouttes argentines,
Et prenant pour cordon un brin de ce fil blanc,
Que la vierge des cieux laisse choir en filant,
Vous composiez avec, enfantines merveilles,
Des colliers à trois rangs et des pendants d’oreilles.
Quel crime ont donc commis ces chers coquelicots,
Qui, passant leur front rouge entre les blés égaux,
Au revers du sillon, de leurs petites langues,
Vous faisaient autrefois de si belles harangues ?
De votre négligence ils sont tout attristés
Et se plaignent au vent de n’être plus chantés.
C’est en vain que juillet les convie à sa fête ;
Ainsi que des vieillards ils vont courbant la tête,
Et s’ils pouvaient noircir ils se mettraient en deuil.
Les bluets désolés ont tous la larme à l’œil,
Car ils vous pensent mort et ne peuvent pas croire
Que vous avez perdu si vite la mémoire