Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/209

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Quelque part, loin, bien loin, par delà les étoiles,
Dans un pays sans nom, ombreux et plein de voiles,
Sur le bord du néant jeté ;
Limbes de l’impalpable, invisible royaume
Où va ce qui n’a pas de corps ni de fantôme,
Ce qui n’est rien ayant été ;

Où va le son, où va le souffle ; où va la flamme,
La vision qu’en rêve on perçoit avec l’âme,
L’amour de notre cœur chassé ;
La pensée inconnue éclose en notre tête ;
L’ombre qu’en s’y mirant dans la glace on projette ;
Le présent qui se fait passé.

Un à-compte d’un an pris sur les ans qu’à vivre
Dieu veut bien nous prêter ; une feuille du livre
Tournée avec le doigt du temps ;
Une scène nouvelle à rajouter au drame ;
Un chapitre de plus au roman dont la trame
S’embrouille d’instants en instants ;