Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/106

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— Avec quel sérieux tu me dis cela ! s’écria Bussy, qui ne put s’empêcher de rire ; toi dont l’esprit est si lucide et si libre de préjugés, comment peux-tu ajouter foi à de pareilles momeries ?

— La nature est pleine de mystères, dit Naïk gravement, nous passons à côté de merveilles sans les voir, parce qu’elles sont pour nos sens imparfaits couvertes d’un double voile ; mais il est des sages qui, à force de vertu, et d’absorption dans une même pensée, ont déchiré quelques-uns de ces voiles et ont vu le secret des miracles.

— Tu es convaincu, je ne veux pas te contrarier, dit le marquis. À quelle époque les salamandres deviennent-elles amoureuses ?

— Au commencement du mois de Tchitar.

— Alors, nous en sommes loin ! En attendant, dis-moi le nom de ce prince du Dekan qui doit épouser la reine, afin que je puisse le reconnaître, s’il m’arrive de le rencontrer.

— On le nomme Sayet Mahamet Khan, Assef Daoula Bâhâdour, Salabet Cingh.

— Pas plus ?

— La plupart de ces noms sont des titres ; mais on appelle le prince plus simplement : Salabet Cingh, le Lion terrible.

— Est-il jeune ?

— Tout jeune, à peine vingt ans.

— Est-il beau ?

— Je ne l’ai jamais vu, maître, dit Naïk, et je ne sais rien de lui.

— Pas même où il réside ?