Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/11

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facile à deviner : mouiller à quelque distance de Madras, débarquer de l’artillerie et surprendre la place. Ah ! nous virons ! ajoute-t-il en prêtant l’oreille à un commandement jeté dans le porte-voix.

— On se rapproche de terre, dit Bussy.

Tous les bâtiments, en effet, accomplissent la même manœuvre et courent une bordée vers la terre ; puis ils reprennent leur première direction, côtoyant de plus prés le rivage. Les lumières de Madras s’éloignent à bâbord, pâlissent et disparaissent.

C’est Madras cependant que guettent ces formidables rôdeurs. Ils ont passé inaperçus, aucun navire ennemi ne soupçonne leur présence, aucun n’a donné l’alarme.

Bientôt des chaloupes se détachent et vont reconnaître la côte. Le lieu est propice au débarquement.

Alors un grouillement d’ombres silencieuses se laisse entrevoir sur les navires. On déroule la chaîne des ancres, les matelots grimpent dans les haubans et peu à peu toute la toile s’abat, se replie, laisse à nu la sveltesse majestueuse des mâtures et des cordages.

L’amiral, entouré de son état-major, s’avance sur le pont et donne, sans baisser la voix — une voix rude et impérieuse — les dernières instructions. Bussy et Kerjean reçoivent les ordres qui les concernent : ils doivent débarquer les premiers avec cent cinquante hommes et aller reconnaître et occuper une pagode en ruine, qui se trouve par là. Cette pagode sera un poste avancé qui protégera au besoin le difficile transport de l’artillerie ; puis, le travail accompli, on pourra y dormir le reste de la nuit.