Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/111

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— Comment ! ma cousine accepte ? Mais c’est un triomphe ! s’écria Kerjean ; elle est si paresseuse qu’elle répond, le plus souvent, qu’elle est engagée.

La jeune fille donna un coup d’éventail à Kerjean.

— Pourquoi dire tout de suite mes défauts ?

Kerjean se sauva avec Mlle d’Auteuil, suivant sa sœur, qu’un jeune homme emmenait.

On dansait dans plusieurs salons, dans les galeries et sous un grand vélum, dans le jardin ; c’est là que Chonchon entraîna son cavalier, parce qu’il y faisait plus frais, disait-elle.

Ils dansèrent la danse lente et grave, balancée sur deux temps, Bussy un peu machinalement, pensant à autre chose.

Par moments les jeunes gens s’arrêtaient pour laisser passer d’autres couples.

— Pourquoi ne me dites-vous rien ? demanda tout à coup Chonchon en ouvrant sur Bussy, avec surprise, ses grands yeux où il y avait encore de l’enfance.

Le jeune homme tressaillit comme tiré d’un rêve.

— Pourquoi ? c’est que je redoute de vous dire les banalités ordinaires : il me semble que ce serait vous manquer de respect.

— Pourquoi ? Je suis habituée à les entendre. Est-ce donc très aimable de ne rien dire ?

— Que vous dirai-je ? Je suis un inconnu pour vous, et tout ce que je sais de vous, vous le savez aussi bien que moi : c’est que vous êtes adorable et que votre toilette vous sied à ravir.

— Eh bien, soit, taisons-nous, dit la jeune fille d’un petit air dépité.