Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/113

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Par la baie d’une porte, Bussy revit Chonchon, dansant avec grâce, d’un air ennuyé. Il s’arrêta un instant à la regarder.

— Si j’étais ambitieux, pourtant, murmura-t-il, si je pouvais renoncer à cette folie sans but et sans espoir qui trouble ma vie, devenir le gendre de Dupleix, ce serait là un beau rêve ; mais, hélas ! ma folie cessant, je sens que mon ambition mourrait avec elle.

En se retournant, il rencontra un regard attaché sur lui avec une fixité qui le surprit.

Celui qui le dévisageait ainsi était un musulman de haute taille, à l’air plus fier et plus noble qu’aucun de ceux qui étaient là. Un sabre à pommeau de pierreries dépassait son écharpe lamée d’or, et des diamants scintillaient dans l’aigrette de sa coiffure.

Sous le regard, d’abord étonné, puis dur et irrité par lequel lui répondit Bussy, il ne baissa pas les yeux.

— Ah ! çà, il m’ennuie, ce personnage, murmura le marquis en portant la main à son épée.

Mais l’homme détourna la tête et se mit à examiner de la même façon une autre personne.

— Il paraît que c’est sa manière d’être, se dit Bussy qui s’éloigna en souriant.

Soudain, un nom, crié par les Suisses, parvint aux oreilles du marquis, par-dessus le brouhaha de la foule, et lui fit faire un bond de surprise.

Avait-il bien entendu ?

« Le prince très illustre Sayet Mahamet Khan, Bâhâdour, Salabet-Cingh ! »

— Lui ! lui ici ! le fiancé d’Ourvaci, le Lion terrible ! est-ce bien possible ?