Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/131

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trompe, doit avoir raison de la cohue désordonnée d’une armée indienne. Allons, messieurs, allez vous reposer, ajouta le gouverneur en faisant un geste d’adieu ; revenez dans l’après-midi chez madame Dupleix, je vous dirai les nouvelles.

Les officiers saluèrent et sortirent.

— Restez, Bussy, dit Dupleix, en retenant le jeune homme, j’ai besoin de vous. Il s’agit de faire passer une sorte de revue morale aux hommes que je vais équiper en hâte. Ce qu’on m’envoie de France pour former mon contingent est, je dois vous l’avouer, à faire frémir : voleurs, aventuriers, escrocs, enfin l’écume des bagnes ; mais ces gens-là sont braves, en général et risquent leur peau sans trop se faire prier. Tâchez d’être physionomiste et de me choisir les plus hardis coquins, ceux qui se sont déjà battus et chez qui la fibre patriotique vibre encore un peu. Mais ne les croyez pas sur parole, ils mentiront effrontément. On vous remettra leurs dossiers pour que vous puissiez contrôler leur dire. Et encore, quand vous aurez fini ceci, si vous pouvez faire quelques enrôlements dans la ville, ce n’est pas à dédaigner. Promettez une bonne paye. Moi je cours aux magasins de vêtements, tandis que Paradis va passer les armes en revue. Restez ici, nos sacripants vont vous y rejoindre ; vous retiendrez ceux que vous aurez choisis et Paradis viendra les prendre dans quelques heures.

Bussy resta seul quelques instants, heureux d’être chargé d’une mission de confiance. Il admirait le sang-froid et le calme du gouverneur, dans une situation vraiment terrible ; cette audace du génie, n’hésitant