Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/136

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Chonchon était assise à ses pieds ayant près d’elle Louise de Kerjean.

— Vous avez vu la marquise hier, dit Dupleix à Bussy, aujourd’hui vous voyez la sultane.

Le sol de la salle présentait des différences de niveau, ce qui donnait prétexte à de jolis motifs d’ornementation, à des colonnettes, des balustrades, des escaliers, dans l’angle desquels s’enchâssaient de moelleux divans.

Le gouverneur s’assit sur un carré, près de sa femme ; et, après avoir salué la begum, chacun se plaça à son idée, tandis que des serviteurs spéciaux allumaient des houkas et les offraient à ceux qui voulaient en user.

Mais Mme Dupleix retint Bussy auprès d’elle,

— Voulez-vous être mon secrétaire, aujourd’hui ? lui dit-elle. Hadji Abd Allah, qui sait dix langues, au moins, s’avise d’être malade.

— Serai-je digne de l’honneur que vous me faites, madame ? Je ne suis pas à ce point polyglotte.

— Vous savez le tamoul, c’est tout ce qu’il faut, vous êtes le seul ici, avec moi, qui le parliez. Ainsi nous pourrons dire tout ce que nous voudrons, ajouta-t-elle, en riant.

— Défiez-vous de Chonchon, dit Dupleix ; elle prétend comprendre le tamoul.

— Elle se vante, la paresseuse ; à peine en sait-elle quelques mots.

— Je sais dire : Maman, que je t’aime et que tu es belle ! répondit Chonchon en tamoul.

La begum lui envoya un baiser du bout des doigts.